Crédit Photo : ©Arnaud LE HUNG
Vic-Fezensac (Gers) dernier week-end de juillet. Chaleur torride et une ambiance d’euphorie générale s’est emparé du site des Arènes , converties en salle de spectacle pendant quatre jours, le temps du Festival TEMPO LATINO, le plus important du genre en Europe. Devenu déjà une référence dans l’univers de la musique latino, je me suis immerge dans un état de grâce rare et générale, succombant à cette énergie.
Dans les environs les scènes off grouillaient de musique, des rythmes, de danse. Et toujours ce fond musical enivrant, le stands d’instruments de musique, de cocktails au rhum venus de Cuba et devenus universels.
Je retrouve Richard Bona au détour d’un Sound check (balance) dans l’apres-midi avant sa présentation du soir même au Festival. Sa présence m’électrise. Grand et fort, souriant tel un sorcier africain déclamant la bonne parole de la musique, celle qui réunit les peuples et qui communie ; celle qui malgré les continents trouve toujours une mesure, une harmonie, un rythme qui nous attache les uns aux autres. Il m’impose le tutoiement comme une évidence à nous rapprocher d’avantage.
INTERVIEW
Mary de Vargas :
En suivant ton parcours ces dernières années et ayant travaillé avec les plus prestigieux musiciens en Europe et aux USA, comment la création de Mandekan Cubano s’est imposé à toi ?
Richard Bona :
Les musiciens cubains sont à ce jour un des meilleurs au monde et la musique cubaine est une référence pour tout musicien qui se respecte. La Caraïbe dont Cuba, est le point de rencontre de toutes le musiques : espagnole, africaine, indienne, chinoise, juive, arabe. Dans cette région, un des rares endroits du monde ou tout est possible musicalement parlant, personne n’est surpris même si une proposition semble loufoque ou irréalisable. On adhère, on revisite, on fait des versions, on fait évoluer les sonorités, on s’amuse.
MdV :
Comment les morceaux ont été choisi pour réussir cette fluidité sonore, cette élégance ?
RB :
La musique traditionnelle cubaine est très riche et pour quelques morceaux originaux comme «Jokoh Jokoh » (Un solo golpe Na’ ma’/VO), « Bilongo » et « Cubaneando » la langue wolof me semblait cohérente et surtout très riche dans ce mariage.
Je suis accompagné des magnifiques musiciens qui sont arrangeurs également comme Osmany Paredes mon pianiste. Le résultat ne peut être qu’exceptionnel.
MdV :
Cet album « Héritage » a été une révélation et depuis plus d’un an il cartonne dans les milieux des connaisseurs. Comment sera la suite, quelles nouvelles explorations t’attendent ?
RB :
La suite sera andalouse avec Diego El Cigala. Nous avons ce projet en attente depuis quelques années. L’Andalousie quoi qu’on dise est très proche de l’Afrique. Le rythme, l’énergie, la douceur parfois et toutes ces mélodies nous réunissent. D’ailleurs, la musique africaine est la genèse de tout. Ils existent milles chemins à explorer de détours et des raccourcis dans cette grande promenade de la musique, qui ne s’arrête jamais.
MdV :
Comment te sens tu dans ce mélange permanent auquel tu participes ? Comment ce petit garçon joueur prodige de balafon venu de Douala, référence de la musique fusion aujourd’hui regarde ce chemin parcouru ?
RB :
Ma vie tout comme ma musique est faite d’accidents, des rencontres, de joies, des expériences inimaginables. Je suis de partout car j’appartiens à l’univers de la musique qui me fais vibrer. Je suis parti en France à 17 ans puis j’émigré une nouvelle fois à New York. Lors de ma dernière visite à Cuba au Festival de Jazz D’Avril organisé par Will Smith et dans le cadre d’un programme avec l’Unicef j’ai rencontré des enfants des écoles de musique qui m’imaginaient cubain grâce à la musique que nous avons présenté pour eux. Et là j’étais un musicien et sa basse, tout simplement. Pas d’artifices ni de spots. C’est cela qui m’intéresse : plus des barrières, plus des langues, plus de contraintes ni contradictions, seulement les accords de ma basse qui s’amuse…
Je le laisse dans une loge informelle en compagnie de son « combo »: Osmany Paredes, (Cuba), pianiste aux doigts magiques, au jeu élégant et efficace entre jazz et héritage Afro-Cubain, Luisito Quintero, (Venezuela), percussionniste reconnu dans le monde entier notamment pour sa participation durant 10 ans au groupe d’Oscar D Leon. Rey Alejandre, (Mexique), un des trombonistes les plus recherchés au monde. Dennis Hernandez (Cuba), son style afro-cubain particulier à la trompette a séduit la fine fleur du latin jazz. Enfin, difficile d’imaginer le monde de la percussion sans Roberto Quintero (Venezuela), une dévotion à l’héritage Afro-Caribéen célébrée par un total stupéfiant de 17 Grammy Awards.
Le soir même au concert me voici devant un cocktail afro-latino détonnant pour le retour du « surdoué de Douala ». C’est tout simplement le point culminant de décennies d’expériences à travers une grande diversité de genres musicaux. Ils l’ont convertie en disque voici un an déjà. « Héritage », c’est la grande histoire des esclaves de langue Mandekan d’Afrique de l’Ouest débarqués à Cuba, apportant avec eux leur musique et leurs traditions. C’est la pulsation de « Cabildos » où les mythes culturels ont pu être préservés et partagés avec les cubains et les immigrants venus d’Espagne à travers la musique, la danse, les rituels et la tradition orale. C’est enfin le battement éclatant de l’universalité de la musique que Richard Bona, génie de la basse, une voix à faire frissonner, une écriture unique, des arrangements experts, dont la réputation mondiale dépasse les frontières culturelles et continue inlassablement de faire rayonner.
Photos : Arnaud Le Hung
Son Album : HERITAGE (Richard Bona et Mandekan Cubano)-Qwest Records-Membran-Sony Music.
Prochain concert : 2 Septembre 2017
Philarmonique de Paris
221 avenue Jean-Jaurès
75019 Paris