Nous reprenons, avec son autorisation, l’article éloquent de Vinciane Fesquet (vfesquet@etsens.fr) qui commente les 100 ans de Boris VIAN, le 10 mars 2020, aux DEUX MAGOTS paris.
« Parce que c’est une figure qui a marqué Saint-Germain-des-Prés après la seconde guerre mondiale, Boris VIAN y était appelé « Le Prince ».
Les Deux Magots, véritable institution parisienne créée il y a plus de 100 ans, vont donc lui rendre hommage à travers plusieurs événements échelonnés sur une période de 9 mois, du 24 juin 2019 au 31 mars 2020. Un hommage à reculons, allant de la mort à la vie – des 60 ans de sa mort à son centenaire – !
Boris Vian, le « Prince » de Saint-Germain-des-Prés. Une fois Paris libéré, les espoirs les plus fous s’éveillent. « Avoir vingt ou vingt-cinq ans en septembre 1944, cela paraissait une énorme chance : tous les chemins s’ouvraient » écrira Simone de Beauvoir. Boris Vian a écrit également : « Je me souviendrai toujours d’avoir eu 20 ans en 1940 ». Quand il se souvient de cette période, c’est l’expression exacte de son ressenti sur le temps à rattraper et Saint-Germain-des-Prés l’offre bien à cette jeunesse dont il fait partie. À Saint-Germain-des-Prés, la fête est continue, l’émulation incessante. Les Deux Magots deviennent le nombril intellectuel du tout Paris. Autour des tables en acajou se retrouvent chaque jour artistes et intellectuels, philosophes de comptoir, partisans de la littérature didactique, rats de cave, – tous menés par « la muse de Saint-Germain-des-Prés », Juliette Gréco -, venus étancher leur soif d’Absolu autour de Jean-Paul Sartre, élu le Pape de Saint-Germain-des-Prés. Il lance « l’existentialisme est un humanisme » le 29 octobre 1945 aux Deux Magots devant une véritable marée humaine. On philosophe en vitrine, la littérature s’exhibe pour le prix d’un café, le spectacle est permanent… Exceptionnel animateur des virées nocturnes, Boris Vian avait l’habitude de dire « Il pleut peut-être à Saint-Germain-des-Prés, mais seulement sur ceux qui n’y vivent pas ». C’est aussi là que Boris Vian retrouvait tous ses amis : Jean-Paul Sartre (Le Jean-Sol Partre dans L’Écume des Jours), Simone de Beauvoir (la Duchesse de Bovouard de L’Écume des Jours), Raymond Queneau, Eric Luter et nombre de ses amis musiciens jazz mais aussi du théâtre et de la chanson. Boris Vian a ainsi largement contribué à faire de Saint-Germain-des-Prés, dont il était le prince, le coeur artistique et intellectuel de la Capitale. Il savait s’entourer de personnalités créatrices dans tous les domaines, lui-même étant ingénieur-trompettiste-écrivain à cette époque. Saint-Germain-des-Prés était un bouillon de culture adepte de tous les arts et souvent très novateur. Il lui tenait à coeur de faire le lien entre les différentes expressions artistiques.
Les Deux Magots, l’histoire d’une adresse légendaire, plus qu’un lieu historique, le café-restaurant Les Deux Magots doit sa célèbre réputation à son goût prononcé et assumé pour la tradition. Ici, l’atmosphère n’a pas bougé d’un iota. Le temps semble s’être suspendu et les clients retrouvent la chaleur d’antan. Les banquettes de moleskine rouge et les tables en acajou ont traversé les affres du temps. Transmis de génération en génération depuis 1914, Les Deux Magots appartiennent aujourd’hui à Catherine Mathivat, arrière-petite-fille d’Auguste Boulay. C’est la rencontre de Catherine Mathivat avec Nicole Bertolt, mandataire de l’oeuvre de Boris Vian qui a fait naître ce projet de commémorations autour de Boris Vian – surnommé le Bison Ravi – aux Deux Magots. Très proche d’Ursula Vian Kübler (la seconde épouse de Boris Vian), Nicole Bertolt est depuis plus de 40 ans au service de la famille Vian et habite toujours l’appartement de Boris Vian, Cité Véron. Elle a en commun avec Catherine Mathivat, propriétaire des Deux Magots, cette idée de la sauvegarde du patrimoine et sont à ce titre les gardiennes des lieux afin qu’ils restent vivants et partagés. Nicole Bertolt a souhaité rendre un hommage pour la première fois à Saint-Germain-des-Prés et tout naturellement l’idée de commémoration aux Deux Magots s’est imposée. Deux femmes passionnées et authentiques dont l’envie est de faire découvrir un artiste protéiforme aux clients et aux amis des Deux Magots, et de les sensibiliser à son univers.
La soirée de lancement Boris Vian aux Deux Magots Lundi 24 juin à partir de 19h avec la sélection littéraire de l’été et son « Pianococktail » Écrivains, artistes et personnalités du monde des arts viendront partager un moment festif dans l’esprit de Boris Vian avec les clients et amis fidèles des Deux Magots (soirée sur invitation et dans la limite des places disponibles). Fidèle à sa vocation de Café littéraire, le mythique Deux Magots fêtera également la troisième édition de sa « sélection littéraire de l’été ». Quatre bestsellers ayant « l’esprit Boris Vian » seront mis à l’honneur. Les quatre auteurs sélectionnés feront des séances de dédicaces. Pour l’occasion, un Pianococktail, né de l’imagination de Boris Vian dans L’Écume des Jours (on parle de « Pianocoktail » issu des deux mots « piano » et « cocktail ») sera exceptionnellement installé dans la salle historique des Deux Magots ce lundi 24 juin. Ce Pianococktail donnera lieu à la fois à un concert (des chansons de Boris Vian et le jazz qu’il écoutait) et à un piano-bar.
Chaque note du piano est reliée à une fiole, et l’enfoncement de la touche provoque un goutte à goutte du breuvage qui lui est associé. C’est le principe de ce Pianococktail. Le mélange se fait à vue, le cocktail improvisé est à l’image du morceau joué… donc un cocktail très Boris Vian ! Et pour que la soirée soit plus folle encore, un dress code est suggéré à tous ceux qui souhaitent venir swinguer, danser le Jitterbug ou le Be-bop : venir habillé dans le style Zazou (ou années 1940) !
Chez Nicole Bertolt, mandataire de l’oeuvre de Boris Vian qui vit chez celui-ci au 6 bis cité Véron, , tout est intact : le piano-bastringue acheté à crédit, la guitare-lyre offerte par son frère, les chaises coeur chinées aux puces, le pick-up et le petit meuble destiné aux 45 tours de jazz que ce « fameux bricoleur a fabriqué en amateur », ainsi que les étagères, jusqu’au plafond, et le lit-bateau de son fils Patrick. Aux murs, un portrait de Vian à la trompette, des photos avec les copains et Ursula Vian Kübler, sa deuxième femme, dont les bijoux sont encore suspendus dans la salle de bains… Aucune solennité pourtant, rien de figé pour la postérité, dans cet émouvant lieu de mémoire. Il reste vivant, habité depuis plus de quarante ans par Nicole Bertolt, gardienne attentive de l’intégrité des lieux. Mandataire pour l’oeuvre, directrice du patrimoine, auteure de plusieurs ouvrages sur Vian, Nicole est mieux encore : Commanderesse exquise de l’ordre de la Grande Gidouille, une pataphysicienne adoubée, ennemie naturelle de toute forme d’embaumement donc, qui pratique une mémoire vivante, servie par un formidable talent de conteuse. Sa propre histoire est étonnante. Elle n’a pas connu Vian. Il y avait dix-sept ans déjà que l’ingénieur-poète-écrivain-jazzman avait disparu quand elle est venue, en 1976, taper à la porte d’Ursula, rencontrée quelque temps auparavant. Guidée par l’instinct qui connaît mieux que nous nos accointances profondes. Elle était seule, perdue, au bord du gouffre. Elle n’est jamais repartie. Avec Ursula et l’un de ses amis, monsieur d’Ddée (fondation Boris Vian), danseur-chorégraphe, ils seront trois désormais à oeuvrer à la mémoire de l’artiste. Nicole est seule aujourd’hui à préparer activement les évènements du centenaire de la mort du « Bison », dernière gardienne des souvenirs, de centaines d’anecdotes, sur ce créateur singulier et visionnaire, boudé par son époque, adulé aujourd’hui, dont elle a lu toute l’oeuvre en manuscrit, page à page… un homme qu’elle connaît si bien sans l’avoir jamais vu. Mais peut-être se ressemblent-ils un peu ? Comme le rapportait Prévert : « On disait de Vian qu’il n’en faisait qu’à sa tête. Il en faisait à son coeur ». En cela Nicole Bertolt est en effet très « vianesque » !
« C’est un immense plaisir que de compter, parmi les partenaires du Centenaire, le Café des Deux Magots, ce lieu emblématique de la rive gauche où celui que l’on surnommait le Prince de Saint- Germain-des-Prés aimait retrouver ses amis écrivains et artistes, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Juliette Gréco sa – petite soeur – et tant de jazzmen d’ici et d’ailleurs. Soirées jazz, événements littéraires, expositions et trouvailles « bistronomiques », la richesse de la programmation des Deux Magots constitue un bel hommage à la créativité protéiforme de Boris Vian. » Nicole Bertolt pour la Cohérie Boris Vian ».
LA TROMPINETTE
Elu Meilleur pâtissier du monde par l’Académie des World’s 50 Best Restaurants en 2016,
PIERRE HERME a souhaité s’associer au centenaire de Boris Vian en créant exclusivement pour Les Deux Magots, une pâtisserie Boris Vian.
Une Religieuse baptisée « La Trompinette » – nom que donnait Boris Vian à sa trompette qui était en fait un cornet à piston et donc une sorte de petite trompette ! Il pouvait ainsi la mettre dans sa poche et c’était plus pratique que de « trimballer » sa trompette dans un étui.
Certes, Boris Vian n’a pas épargné la religion. Pro-civil, fantaisiste, provocateur, il prenait donc beaucoup de plaisir à manger de temps en temps… des religieuses ! Ce qu’il faisait avec délectation sous le nez de la boulangère à Saint-Germain-des-Prés avec son ami Raymond Queneau.
Elle associe le chocolat à la douceur acidulée de la framboise.
Rappelons aussi que la nourriture et la confection sont très présentes dans l’oeuvre de Boris Vian, notamment dans L’Écume des Jours.
Client fidèle des Deux Magots, il me semblait pertinent de revisiter le dessert favori du musicien en y apportant une touche décalée… tout à son image.
PROGRAMMATION
JEUDI 7 NOVEMBRE 2019 DE 19H30 À 22H30 – RIMENDO TRIO
À travers les textes connus de Boris Vian (Fais-moi mal Johnny, Le blues du dentiste…) ou d’autres oubliés du grand public (Suicide Valse, Je veux une vie en forme d’arête…), Rimendo dépeint Vian, en musique…Un concert haut en verbe et musique avec du Boris Vian revisité.
JEUDI 5 DECEMBRE 2019 DE 19H30 À 22H30 – MARIE-LAURE CELISSE TRIO
Marie-Laure Célisse est la spécialiste du swing chanté en français. Mais pas seulement… Marie-Laure Célisse chante, joue à la flûte traversière et comme un flash back fulgurant vous embarque dans les années Boris Vian.
JEUDI 9 JANVIER 2020 DE 19H30 À 22H30 ERIC LUTER TRIO
JEUDI 6 FEVRIER 2020 DE 19H30 À 22H30 BENJAMIN LEGRAND
JEUDI 5 MARS DE 19H30 2020 À 22H30 ISABELLE SALESKOVITCH TRIO »
Vinciane FESQUET – & SENS
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